3. Les jours dorés de la construction des autoroutes (1965-1973)

Les autoroutes urbaines

Un des objectifs de Jos De Saeger au début de son mandat était la construction des 'autoroutes urbaines' ou 'autoroutes de pénétration'. Elles devaient rendre possible d'accéder rapidement au cœur des grandes agglomérations, car "il semble peu sensé de réduire les distances entre deux centres par la construction d'une autoroute, si en même temps il devient de plus en plus dur et de plus en plus long d'entrer et de sortir de ces centres." C'était en tout cas la vision du dixième Congrès Belge des Routes, tenu en 1962. Cette conception arriva en provenance du monde anglo-saxon déjà à la fin des années 1940, juste au moment où on mettait sur papier les premiers projets pour un réseau autoroutier national.

Déjà pendant la construction de l'E17, Anvers et Gand reçurent leur part d'autoroutes urbaines, à condition qu'on considère le petit ring d'Anvers et la route de pénétration vers l'ancienne gare de Gand-Sud comme telles. Ensuite, les villes de Bruxelles, Liège et Charleroi seraient pourvues de ce 'luxe'. Sur le petit ring de Charleroi, une règlementation étonnante est d'application: la ceinture n'est accessible qu'en sens contraire des aiguilles d'une montre. Ce sont les autorités locales qui insistèrent au milieu de l'année 1968 sur une telle conception. Pour la construction de la route, le ministre créa le 3 novembre 1971 l'Association intercommunale pour la construction des Autoroutes de la périphérie de Charleroi (IAC). La réalisation du ring d'à peine six kilomètres de long allait prendre trois ans, car il est constitué presqu'exclusivement d'ouvrages. La section vers le sud fut ouverte en 1974, l'autre suivit un an plus tard.

A travers et autour de Liège

Quelques autoroutes urbaines allaient aussi être construites à travers le centre de Liège. Selon les plans, la route de pénétration venant de l'échangeur de Loncin se séparait à hauteur de Burenville en trois autoroutes: la première vers l'est (Vottem et Coronmeuse), la deuxième vers le sud-est (Chênée) et une troisième vers le sud (Ougrée). A l'est de la ville, une liaison entre Jupille et Chênée devait être réalisée. Dans les années après, les plans furent mis en frigo un par un, à l'exception de la liaison Burenville-Chênée. Cette 'liaison E40-E25', dont la construction se fit attendre pas moins de trente ans, rendit possible dès son ouverture en 2000 une décongestion de la ville.

Les autoroutes urbaines dans l'agglomération liégeoise (1970).
Les autoroutes urbaines à travers et autour de Liège
L'agglomération bruxelloise

Les projets d'un réseau autoroutier à Bruxelles dataient de 1952, mais alors que la réalisation de ceux-ci était imminente sous De Saeger, ils créèrent de l'agitation dans l'opinion publique. La population reprochait au ministre de construire des routes par-ci par-là, sans demander l'avis des communes concernées. Les nuisances sonores et la pollution que les autoroutes urbaines causaient, rendraient la qualité de vie dans la région tout sauf bonne. On devait résoudre la problématique de la mobilité dans la capitale pas par la construction de nouvelles routes, mais par la prise de mesures au niveau urbanistique. C'était du moins l'avis du Conseil de l'Agglomération Bruxelloise. Les bâtiments de bureau et les zonings industriels devaient être localisés au périphérie de l'agglomération - ils attiraient en effet la plupart des navetteurs.

Réseau autoroutier bruxellois projeté (1972). La carte fait partie d'un article dans un hebdomadaire bruxellois francophone, 'Pourquoi Pas?'
Les autoroutes urbaines à Bruxelles

La résistance croissante de la population bruxelloise et des autorités ont pu empêcher la réalisation de la partie sud du grand ring, ainsi que le prolongement de l'E19 depuis Machelen et Drogenbos. Les quelques ouvrages inutilisés dans ces échangeurs en témoignent toujours. La construction des voies de pénétrations fut attribuée à l'Association intercommunale pour les autoroutes de la périphérie de Bruxelles (Intercommunale B1). Cela n'aurait sûrement pas coûté beaucoup d'effort pour interdire à cette association, dans laquelle entre autres participait la ville de Bruxelles, de construire ces routes effectivement.

On peut retrouver le vestige le plus visible de ce projet mégalomane à Auderghem: à hauteur de l'accès à l'Avenue Beaulieu, l'autoroute venant de Namur s'arrête abruptement. La route de pénétration fut réalisée à partir de 1970. Depuis le Viaduc Herrmann Debroux, le tracé devait suivre le chemin de fer démonté en même temps de la ligne 160 Tervuren-Etterbeek vers la Plaine militaire (aujourd'hui le campus de la Vrije Universiteit Brussel). Au début des chantiers, on voulait pouvoir ouvrir chaque année une nouvelle section de cet "autoroute dont on s'attend à ce qu'elle atteigne en 1976 le Quartier Léopold."

Le destin qui fut attribué aux autoroutes de pénétration dans Bruxelles, peut être appelé sans problèmes le signe avant-coureur du changement des mentalités qui se réaliserait quelques années plus tard dans tout le pays. La construction d'autoroutes urbaines, à Bruxelles ou ailleurs, ne formait plus depuis longtemps un élément de discussion. Le ministre Jean Defraigne était très clair au début de l'année 1975: "Je répète qu'il est exclu de construire des autoroutes dans cette agglomération si peuplée."

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